Chère cousine Fatoumata Esther NDIAYE,
Le peuple haitien, disons mieux, la jeunesse haïtienne est exacerbée et reçoit avec désolation votre piqûre de rappel sur les prouesses de notre passé glorieux, paru ce mercredi 22 septembre dans les colones du média Profile Ayiti, dont nous avons trop longtemps et continuons présentement à ternir sous les pieds. Étant un jeune haïtien, un des rares en tout cas ayant encore gardé foi dans la délivrance certaine de cette terre de liberté, je me permets de réagir.
En effet, honnêtement je me sens tout triste de voir à quel point nos déboires nationaux et la conséquence de nos choix politiques intestins vous poussent à questionner la vérité historique selon laquelle la nation haïtienne soit la première nation noire libre au monde.
Vous nous avez bien ravivé la mémoire sur des choses que nous savons tous, ici en Haïti. Sans être taxé de généraliste, tous les haïtiens et haïtiennes connaissent - pour le moins - que nous sommes devenus, depuis 1803 avec la fameuse victoire inédite à Vertières au Cap-Haïtien et consacrée le premier janvier 1804 sur la Place d'armes des Gonaïves, la première nation noire libre au monde, et que nos pères fondateurs Jean Jacques Dessalines Libérateur, le Grand Humaniste que l'époque n'a jamais connue, Henry Christophe dont nous sommes si fiers et Alexandre Pétion pour ne citer que ceux-là, sont nos héros qui nous inspirent honneur et fierté.
Dans un sens ou dans l'autre, ils sont nos modèles. Et par conséquent, à la question si nous ne serions pas des usurpateurs avérés, je réponds par la négative. Toutefois je confirme que nous vous faisons honte tous les jours depuis la trahison du 17 octobre 1806, nous nous foutons bien de vous en refusant de devenir une grande nation comme le Libérateur et jusqu'auboutiste Dessalines l'aurait voulu. Nous vous humilions et humilions nous-mêmes avec ces images deshumanisantes de nos frères et soeurs traités récemment en bête de somme comme au temps de la traite des esclaves au 17ème siècle et nous vous collons la plus grande peine encore lorsque nous refusons de nous unir l'un à l'autre telle que le recommande la légende inscrit dans l'emblème national.
Mais, permettez chère cousine Fatoumata que j'utilise mon truchement et au nom de mes frères et soeurs pour vous présenter nos plus sincères excuses. Nos excuses s'en vont non seulement à vous personnellement, aux vôtres et au monde entier, ou du moins à tous ceux qui ont trop longtemps attendu le relèvement de cette nation qui finalement trouverait une place de choix dans le concert des nations. Excusez surtout ceux qui ont, bien malheureusement oublié l'idéal Dessalinien ainsi que le caractère internationaliste de la révolution haïtienne fondé sur le triptyque de liberté, citoyenneté et propriété des pères fondateurs.
Cousine Fatoumata, ce triptyque de liberté, citoyenneté et propriété est une marque de fierté que nous avons détartré. Il se trouve inscrit dans les dispositions de la constitution de 1816 soit à l'article 44. Il stipule que « Tout Africain, Indien et ceux issus de leur sang, nés dans les colonies ou en pays étrangers, qui viendraient résider dans la République seront reconnus Haïtiens », c'est-à-dire libres et citoyens.
Des Polonais, Allemands, et Américains en ont bénéficié. Ils ont fui l'atrocité dans leur pays d'origine, ils ont été accueillis et contrairement à ce qu'on nous fasse aujourd'hui, traités comme des humains ayant des droits et des libertés fondamentales tel que préconise la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Paradoxalement, la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 se voit aujoud'hui bafouée, vilipendée et violée purement et simplement par ceux qui l'ont édictée...les soi-disant tenants des droits humains et de l'état de droit, les soi-disant démocrates, et s'il vous plaît, ceux qui se disent leaders du monde libre.
Alors qu'hier nous étions cette terre d'accueil pour les autres, aujourd'hui, circonstances obligent, nos frères et soeurs se font humiliés ailleurs à la recherche d'une tranquillité d'esprit si souvent troublé chez eux et d'un mieux être inexistant dans leur pays d'origine, croient ils en tout cas. Faisant fi exprès ou par omission que pour tous les humains indistinctement le ciel d'Haïti était bleu par le passé, plus particulièrement, après la révolution haïtienne.
Qu’êtes-vous devenus même, vous nous demandez?
Nous sommes devenus des déshérités, des laissés pour compte, la risée du monde, la chasse gardée de l'occident et j'en passe. En fait, nous sommes devenus, pour utiliser un jargon national, "pito nous lèd nou la".
Cependant, je crois et reste convaincu qu'un jour viendra où Haïti renaîtra de ses cendres. Un jour où les enfants d'Haïti se mettront ensemble pour bâtir leur pays et du coup devenir la grande nation rêvée. Mais pour cela comme l'a dit ma soeur Shallalle Figaro dans sa lettre responsive du 23 septembre "Il faudra attendre que le sang de tous nos frères innocents qu’Haïti a trahis, serve de sève à la terre séchée afin que poussent les nouvelles racines de la liberté."
Clashisky D LAROSE
Citoyen concerné
23 septembre 2021
Haïti terre de gloire et de fierté.
Sources: Profile Ayiti, La politique étrangère des pères fondateurs de la nation haïtienne, Wien Weibert Arthus.