Lettre responsive ouverte à notre chère cousine sénégalaise.
Chère cousine,
J’ai pris le temps nécéssaire pour lire et relire ta lettre et j’ai compris à quel point ta déconvenue est grande et profonde. L’aisance avec laquelle tu as décliné chaque pan de notre histoire explique pourquoi même la distance qui nous sépare physiquement est loin d’être à même de découdre les liens familiaux qui nous unissent inlassablement. Au moment où je t’écris encore cette lettre, je ressens l’effet positif de ce que tu nous as inoculé dans les veines par l’entremise de ta volonté et surtout de ton amour de bien aiguiser notre conscience citoyenne. Sache que l’amour que tu éprouves est bien réciproque.
J’ai eu aussi le temps de lire également la lettre de démission de l’envoyé spécial américain Daniel Foote en Haїti qui a confirmé ce que nous avons toujours cru. Les américains avec la complicité de quelques pays de la communauté internationale, se moquent de nous et se sont toujours moqués de nous. En fait, les vidéos qui sont d’une horreur sans précédente que tu as visualisées ont tout simplement révélé que le monde dans lequel nous vivons et que nous partageons, n’a pas du tout changé. Cette cruelle volonté de nous garder depuis la nuit des temps dans cet état ignoble et indigne n’a que pour vocation de souiller et de réduire l’exploi du 1er janvier 1804 à sa plus simple expression. Une fois de plus, ils ont mis notre orgueil patriotique à genou.
Ils ne veulent pas de nos frères et soeurs,ils les déportent massivement. Néanmoins, ils continuent froidement leur oeuvre macabre d’appuyer des frères et soeurs traîtres et non émancipés de l’intérieur pour rendre notre patrie invivable. Cette migration massive n’est que l’expression d’une mauvaise foi et de l’hypocrisie de ceux qui nous appellent frères américains, chrétiens et qui pourtant préfèrent les afgans à nous. Notre dégoȗt pour ces genres de comportement est sans appel.
Nos frères et soeurs qui quittent le pays ne sont pas forcément tous des lâches qui fuient leur responsabilité citoyenne face au pays. Au contraire, ils sont beaucoup, ceux d’entre eux, qui sont décidés de partir pour subvenir héroїquement aux besoins de ceux qui restent. Ils partent avec la patrie dans le coeur et dans l’âme. Ils ont bravé l’humiliation, toutes sortes d’embȗches et parfois même la mort pour supporter financièrement ceux qui restent dans le pays. Nous avons beaucoup d’estime et de respect pour eux.
Il est vrai que nous avons beaucoup de frères et soeurs ennemis et traîtres, issus de la même ligne généalogique que notre ancêtre Conzé qui a livré son propre frère Charlemagne Péralte aux occupants américains, qui n’osent pas regarder les étrangers dans les yeux et qui sont dépourvus de colonne vertébrale. Il est vrai qu’ils ont encore leur genou sur notre cou pour nous empêcher de respirer. Il est vrai que nos luttes pour le changement et l’émancipation deviennent de jour en jour plus incipides et peu efficaces. Il est vrai que les plaies de nos querelles intestines et fratricides sont encore grandement ouvertes et nous fragilisent davantage. Il est vrai que nous subissons encore sans économie les conséquences du sous-développement que sont: corruption, acculturation, indiscipline et aliénation. Il est aussi vrai que nous sommes aujourd’hui un Etat failli et que seul un sursaut patriotique, avec la participation de toutes les forces vives de la nation, peut redresser.
Toutefois, chère cousine, ce méandre n’est pas pour toujours. En dehors de tout sentiment pseudo-nationaliste, je prends la liberté d’emprunter le titre du livre d’Eric Zémour : « La France n’a pas dit son dernier mot » pour dire que la jeunesse haїtienne est loin de dire son dernier mot. Le tronc de l’arbre de la liberté que les prédateurs obscurantistes ne cessent jamais de couper, repoussera toujours par ses racines parce qu’elles sont nombreuses et profondes. Je ne sais pas si c’est pour demain ou dans 50 ans, tout ce que je sais, il adviendra un jour où nous dirons : stop it now! (arrêtez ça maintenant !) Une grande nation reste une grande nation.
A ta question, que sommes-nous devenus ? Il convient de dire, comme ils n’ont pas changé, nous n’avons pas non plus changé. Nous resterons à jamais les petits (es) fils et filles de Toussaint Louverture, de Dessalines et de Christophe. Face à leur oppression, nous résisterons. Car, nous avons encore de grands hommes et de grandes femmes qui luttent incessablement. Un jour, l’idée de négritude de notre cher et illustre cousin Léopold Sédar SENGHOR, ton premier président élu en 1960, reprendra vie et chair sur la terre des haїtiens, pour étonner agréablement à nouveau le monde et redonner sens et prestige à notre fierté de 1er peuple noir libre et indépendant dans le monde.
Roosevelt DUCTAN,
Jeunesse Haïtienne Consciente,
HAITI, 23 septembre 2021.
Merci M. Roosevelt DUCTAN pour ce brillant texte. L'ennemi est rusé, féroce, sanguinaire. Prêt à tout pour nous humilier, nous faire disparaître. Cependant, le bien fini toujours par l'emporter sur le mal, la justice sur l'injustice. Nous souffrons parce que nous avons osé défier le "mal". Mes frères et sœurs ne soyez pas tristes. Nous souffrons, mais c'est la souffrance du "juste". Un jour, ce pays qui a toujours lutté pour un monde plus humain, plus égalitaire renaîtra de ces cendres.
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