Réalité Policière en Haïti en 2022.
Boironds Tonnerre, communément appelée « BWAWON », 3e section communale d’Aquin, d’où a vécu mon père Esthaël Adam, est livrée à elle-même sans aucune présence policière. Cette réalité qui est aussi celle de toutes les 7 sections communales d’Aquin est un problème national. En plus de ce problème d’effectif, la PNH est confronté à d’autres problèmes comme celuid’équipements, de communications, de véhicules, de salaires et de corruption. Pour résoudre ces problèmes, il est impératif de jeter un regard rétrospectif sur la loi qui a créé la PNH.
Coup d’Œil sur la Loi Portant Création, Organisation et Fonctionnement de la PNH.
L’analyse de la « Loi Portant Création, Organisation et Fonctionnement de la PNH », publié dans le Moniteur, Journal Officiel de la République d’Haïti, au nº 103 du 28 Décembre 1994, suscite des interrogations voire des confusions. Par exemple, les articles 8, 12, 13, et 14 sontirréfutablement contradictoires. Selon l’article 8, « Les fonctionnaires de police sont essentiellement apolitiques et soumis aux ordres des autorités de police prévues par la loi. » Pourtant les articles 12, 13, et 14 font du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) une entité hautement politique au sein de la PNH. En effet, conformément à l’article 14, « Le CSPN est composé comme suit : Le Premier Ministre, chef du gouvernement, président ; Le Ministre de la Justice, premier vice-président ; Le Ministre de l’Intérieur, deuxième vice-président ; Le Commandant en chef des forces de police (le directeur général de la Police nationale), secrétaire exécutif ; L’Inspecteur général en chef de la Police nationale, secrétaire exécutif-adjoint. » A part le Directeur Général (DG) et l’Inspecteur Général (IG), les membres du CSPN proviennent de lapolitique. D’ailleurs, d’après l’article 16, « Les décisions du CSPN sont prises à la majorité absolue des voix… »
Un autre débat que suscite la loi du 28 Décembre 1994 est la manière dont le Directeur Général, et les Commissaires Divisionnaires de la PNH sont nommés. Selon l’article 22, « Le Directeur Général de la Police Nationale, Secrétaire exécutif du CSPN, est choisi parmi les directeurs centraux ou les commissaires divisionnaires et nommé, conformément à la Constitution, pour un mandat de trois ans renouvelables. » Cependant, les commissaires divisionnaires sont nommés sous l’influence de CSPN, cette entité politique ci-dessus discutée. A cela on peut ajouterl’article 45. D’après cet article, « La direction départementale est dirigée par un commissaire divisionnaire. Il est le directeur départemental de la Police nationale. Il est nommé par le directeur général après consultation avec le CSPN. »
Un dernier chapitre de cette loi qui nous interpelle est celui qui traite de la Police de la Police Nationale. Selon l’article 38, l’Inspection générale, qui est un service de conseil, de contrôle et d’enquête à la disposition du directeur général de la Police nationale et du Ministre de la Justice, est une institution de contrôle interne. Sa mission de police de la PNH n’est toujours pas achevéeaprès plus de 25 ans d’existence.
La Modernité et la PNH.
La police moderne est une création du Sir Robert Peel, un homme d’État Anglais, en 1829. Sir Peel a proposé une police démocratique afin que le travail de la police puisse se séparer de celui du judiciaire. Peel a résumé la vision de sa police en neuf (9) principes. Selon ces principes, le travail de la police se réduisait en grande partie à la prévention et à la détection du crime et la police était censée être responsable devant le grand public dont elle faisait partie. Depuis lors, les principes de Peel ont été popularisés et en Amérique, le maintien de l'ordre est basé sur les principes de Peel pour la plupart.
On n’est pas sûr que quelqu’un peut avec exactitude énoncer les principes sur lesquels la PNH se base. En tout cas, en Haïti les crimes ne sont ni prévenus ni détectés. La police est totalementirresponsable. Pourtant, la première question que posent les défenseurs des droits de l’Homme à l’égard d’une force de police est sa responsabilité vis-à-vis de la société qu’elle sert. En clair, ilsveulent savoir l’entité qui fait le travail de police de la force de police. Leur formation, leur entrainement, leur indépendance, leur budget, employées, équipements etc...
Le Control Interne de la PNH et Ses Déficiences.
La PNH est dotée d’une inspection générale (IGPNH) pour le travail du contrôle interne. Techniquement, l’IGPNH a l’initiative d’enquêter sur les officiers de police, soupçonnés de mauvais comportements, de crimes ou de corruption. Elle reçoit et investigue les plaintes. Puis, elle émet sa recommandation. Cependant, des barrières de toutes sortes empêchent l’IGPNH de faire son travail de contrôle avec efficacité. Une première barrière vient de la direction générale de la PNH. En effet, c'est le DG de la PNH seul qui décide si l'enquête de l’IGPNH prouvait une faute professionnelle et, dans l'affirmative, quelle devrait être la discipline appropriée. L’IGPNHserait considéré comme dépassant ses limites si elle voulait imposer ses recommandations sur la disposition ou la discipline des agents. Une deuxième barrière est le produit des pressions de tous bords exercés sur les enquêteurs internes. Ces pressions peuvent provenir de plusieurs sources. D’abord, il y en a qui proviennent des supérieurs au sein de l'organisation policière qui ne veulent pas qu'un incident embarrassant soit exposé publiquement, ou qui craignent que la crédibilité et l'autorité de la police soient sapées. Ensuite, des pressions proviennent aussi duPrésident de la République ou d’un politicien, membre influent du Parti Politique du Présidentqui ne veut pas entendre de mauvaises nouvelles concernant le service de police et peut encourager la suppression d'incidents défavorables. Enfin, des pressions peuvent provenir du nouveau syndicat de la PNH, qui peut être enclin à défendre vigoureusement même les mauvais policiers. Une dernière barrière s’érigeant contre l’IGPNH est celle des officiers de police eux-mêmes. En effet, les collègues officiers peuvent ne pas vouloir voir l'un de leurs pairs soumis à un examen minutieux. Les agents de police peuvent être réticents à coopérer à une enquête impliquant un pair. Alors, ils ont créé ce qu'on appelle le « Blue Wall » pour faire respecter leur code du silence. Ces déficiences techniques de l’inspection générale démontrent que l’auto-contrôle de la PNH ne peut produire que des résultats biaisés.
Recommandations.
Pour rétablir la confiance des policiers au sein de la PNH et celle de la population à la PNH, il faut dépolitiser au plus vite la PNH. Pour ce faire, la « Loi Portant Création, Organisation et Fonctionnement de la PNH » doit-être revue et corrigée. Le pouvoir de la CSPN doit être réévaluée. De plus, un organe de contrôle externe à la PNH doit-être introduit. Sa mission sera de « oversee » la PNH. Il investigue, médie et juge les plaintes de mauvais comportements des officiers de police. Il est indépendant et a assez de personnel pour faire ce travail. La juridiction de cette entité sera d’investiguer l’utilisation de la force, les abus d’autorité, le manque de courtoisie (incivilité), le langage vulgaire et les soupçons de corruption. Les plaintes qui ne seraient pas tombées sous la juridiction de cette entité seront envoyés à l’IGPNH pour être investiguées et jugées.
Monsieur Yvener ADAM, Former Haitian Police Officer/MPA-IO.
Auteur | Info: ydams22@gmail.com
Tres beau panorama sur le mode de fonctionnement de la police nationale d'Haïti et j'espère que le cspn soit reformé où le directeur general doive t'être au premier plan de cette dite entité
RépondreSupprimerC'est une très bonne suggestion bien que ce contrôle externe doit avoir à son sein des personnes crédible, peut être des anciens cadres de la dite institution.
RépondreSupprimerJe vois pourquoi il y a tant de mauvaise gouvernance au sein de la PNH.