La Place d’Armes ou Place Notre-Dame est la plus ancienne place publique de la région du Nord. C'est l'endoit où l'on passera les milices de la colonie en revue et ce sera aussi le lieu de résidence des soldats du Cap pendant la période coloniale. Située dans la commune du Cap-Haïtien, la Place d'Armes est bornée au Nord par la Mairie du Cap-Haïtien qui s'étend à la rue Bourbon ou rue 20, au Sud par la Cathédrale qui s'étend à la rue Notre-Dame ou rue 18, à l'Est par la rue Dauphine (Lettre F) et à l'Ouest par la Délégation du Nord, l'Évêché et la rue des Capucins (Lettre H).
Selon l'Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN), la Place d'Armes du Cap-Haïtien qui est une architecture urbaine et un patrimoine national, est actuellement en bon état de conservation. Ce que certains Capois ne pensent pas forcément. Mais, les gens du Nord connaissent-ils vraiment l'histoire de cet espace urbain?
L'histoire rapporte que l'espace où se trouve la Place d'Armes du Cap-Haïtien actuellement fut, au début, un endroit libre entourant l'église, n'ayant aucune fonction proprement définie, et qui servira tantôt de marché, tantôt de rien du tout, jusqu'au 7 février 1707, lorsque le Conseil Supérieur du Cap publie un arrêté par lequel on y crée un marché des denrées alimentaires.
Le 10 mars 1710, une Assemblée coloniale convoque les administrateurs de la ville sur la nécessité de construire une fontaine sur la place pour répondre au problème d'eau auquel la population fait face. Il est prévu de prélever une taxe de dix sous sur chaque bannette de cuir de boeuf embarquée au Cap pour la construction. Mais, il y aura deux inconvénients: d'abord la taxe de dix sous sera insuffisante. Ensuite, il y aura un manque d'intérêt du côté de l'Assemblée coloniale pour le projet. Donc, dix ans plus tard, 1719, la fontaine ne sera pas construite et il faudra attendre jusqu'en 1735 pour qu'on érige enfin une vulgaire fontaine en bois sur la place qui sera remplacée par une autre plus attrayante en 1769.
En 1724, on construit, en face de l'église, à la lettre G, un espace en bois provisoire pour loger le Corps de garde, l'utiliser comme arsenal et maison pour les soldats. Le 30 juin 1736, le juge de Police du Cap publie une ordonnance par laquelle il transfère le marché de la place à la lettre Espagnole et à la rue 19. Cependant, cinq ans plus tard, le 26 juin 1741, pour favoriser une meilleure circulation des voitures, le même juge de Police est obligé de publier une autre ordonnance par laquelle il retoune à la place d'Armes le marché mais une troisième ordonnance du 23 avril 1742 y interdit la vente de certains produits.
Quelques exécutions qui ont eu lieu sur la place d'Armes du Cap pendant la période coloniale française:
En 1757, accusé de séduction, de profanation et d'empoisonnement par les autorités françaises de Saint-Domingue, François Mackandal est activement recherché. En janvier 1758, il est capturé au Cap-français et un Arrêt du Conseil Supérieur du Cap le condamne à mort. Le 20 janvier 1758, il est livré au bûcher, amas de bois sur lequel on le met vivant pour le brûler publiquement sur la place d'Armes.
Le 25 février 1791, Vincent Ogé, Jean-Baptiste Chavannes, vingt-et-un (21) de leurs compagnons et treize autres (13) combattants pour l'égalité politique avec les colons blancs, sont condamnés respectivement au supplice de la roue, à la pendaison et aux galères. Deux jours plus tard, un autre combattant est brûlé vif sur la place d'Armes.
En novembre 1791, la tête de Dutty Boukman, l'initiateur du Congrès de Bois-Caïman, et le cadavre du père Philémon de la paroisse de Limbé, aumônier dans l'armée de Biassou, sont exposée sur la place d'Armes du Cap avec l'inscription "tête de Boukman, chef des révoltés".
Toujours en 1791, pendant la révolte générale des esclaves, vingt à trente prisonniers noirs sont brulés ou pendus chaque jour sur la place d'Armes du Cap. En revanche, en août 1793, incapable de rétablir l'esclavage dans le Nord de Saint-Domingue, Sonthonax se trouve dans l'obligation historique de proclamer la liberté générale des esclaves depuis la place d'Armes du Cap.
En revanche, réaménagée en 2002, en prélude à la célébration du bicentenaire de l'indépendance nationale, la place d'Armes du Cap-Haïtien est très fréquentée par les Capois recherchant loisirs et détentes. Elle est aussi le lieu des débats informels en plein air entre politiciens, étudiants et militants. En 2018, sous les yeux de ses parents, on a vu un enfant haïtien qui s'apprêtait à saluer l'Empereur Jean-Jacques Dessalines. Mieux encore, le 10 août 2019, la place d'Armes du Cap-Haïtien a reçu un évènement culturel et touristique tout particulier: Dîner En Blanc (DEB2019).
Pour études complémentaires, PROFILE AYITI vous recommande "Médéric-Louis-Élie Moreau de Saint-Rémy, Description de la partie française de l'Isle de Saint-Domingue, tome I, 1797; Beaubrun Ardouin, Étude sur l'histoire d'Haïti, tome IV, 1853; Terry Rey, The priest and the propheters: Abbé Ouvrière, Romaine Rivière, and the Revolutionary Atlantic World, Oxford University Press 2017."