Le 17 octobre 1806, quelques heures après l'assassinat de l'empereur Jean-Jacques Dessalines, les hommes de l'Ouest dont Pétion, Gérin, Vaval et Sanglaou rédigent un acte qu'ils intitulent "Résistance à l’Oppression". L'histoire révèle que l'acte fut antidaté du 16 octobre 1806 pour ne pas qu'on les soupçonne d'avoir planifié l'assassinat du père de la Patrie haïtienne, le fondateur du premier empire noir du monde moderne.
En revanche, il existe un passage de l'acte qui prouve clairement que le document a été écrit le 17 octobre 1806. Le méchant, dit-on, fait toujours une oeuvre qui le trompe. En plus, logiquement, l'histoire a pu révéler que ce ne serait pas avant l'assassinat honteux de l'empereur Jean-Jacques Dessalines, que les auteurs de sa mort, ceux-là mêmes qui dirigeaient l’insurrection auraient pensé à écrire l'acte.
Le 18 octobre, on fait chanter un Te Deum pour célébrer la mémorable journée du 17 octobre 1806, une journée fixée par la Providence pour le temps de la vengeance, pour répéter Alexandre Pétion dans sa lettrre à Madame Dessalines; journée au cours de laquelle la tyrannie a pris fin et la liberté est reconquise, pour répéter les mots des comploteurs.
Il est important de vous faire remarquer qu'à la fin de l'acte, le général Henry Christophe est proclamé Chef provisoire du Gouvernement d'Haïti en attendant qu'une nouvelle constitution lui confère définitivement ce titre auguste, mais la nature aura voulu qu'il en soit autrement. Le pays sera divisé en deux États: le Royaume d'Hayti et la République d'Haïti. PROFILE AYITI vous invite donc à lire l'intégralité de l'Acte considéré comme un manifeste de la révolution des hommes de l'Ouest suite à la mort de Dessalines:
"Une affreuse tyrannie, exercée depuis trop longtemps sur le peuple et l’armée, vient enfin d’exaspérer tous les esprits et les porter, par un mouvement digne du motif qui le fit naître, à se lever en masse pour former une digue puissante contre le torrent dévastateur qui le menace.
Un complot, ourdi dans le calme et la réflexion, allait bientôt éclater ; les hommes susceptibles de penser, ceux capables enfin de faire triompher les sublimes principes de la vraie liberté, dont ils sont les défenseurs, devaient disparaître pour toujours ; une marche rapide vers la subversion totale, effrayait déjà même l’homme le plus indifférent : tout semblait annoncer que nous touchions au moment de voir se renouveler ces scènes d’horreur et de proscription, ces cachots, ces gibets, ces bûchers, ces noyades dont nous étions les tristes et malheureuses victimes, sous le gouvernement des Rochambeau, des Darbois, des Ferrand, des Berger, etc., etc., etc.
Moins touché du bonheur de ses peuples qu’avide à ramasser, le chef du gouvernement fit dépouiller injustement de leurs biens, des milliers de familles qui sont en ce moment réduites à la plus affreuse misère, sous le prétexte apparent qu’elles ne pouvaient justifier de leurs titres de propriété ; mais dans le fait, pour augmenter ses domaines. N’est-il pas constant qu’après avoir joui depuis dix, vingt et trente ans d’un bien, on devait en être supposé le véritable propriétaire ? Dessalines ne l’ignorait pas ; il était persuadé même que ces citoyens avaient perdu leurs titres dans les derniers événemens ; il en profita pour satisfaire sa cupidité. D’autres petits propriétaires furent arrachés inhumainement de leurs foyers, et renvoyés sur les habitations d’où ils dépendaient, sans avoir égard ni à leur âge, ni à leur sexe. Si des considérations particulières ou des vues d’intérêt général pouvaient autoriser cette mesure, qui paraît avoir été adoptée par les gouvernemens précédens, au moins était-il juste d’accorder une indemnité à ceux sur lesquels on l’exerçait.
Le commerce, source de l’abondance et de la prospérité des États, languissait sous cet homme stupide, dans une apathie dont les vexations et les horreurs exercées sur les étrangers ont été les seules causes. Des cargaisons enlevées par la violence, des marchés aussitôt violés que contractés, repoussaient déjà de nos ports tous les bâtimens. L’assassinat de Thomas Thuat, négociant anglais, connu avantageusement dans le pays par une longue résidence, par une conduite irréprochable, et par ses bienfaits, a excité l’indignation ; et pourquoi ce meurtre ? Thomas Thuat était riche, voilà son crime !… Les négocians haïtiens ne furent pas mieux traités : les avantages qu’on avait l’air de vouloir leur accorder, n’avaient été calculés que sur le profit qu’on pouvait en tirer : c’étaient des fermiers que pressuraient des commis avides.
Toujours entraîné vers ce penchant qui le porte au mal, le chef du gouvernement, dans la dernière tournée qu’il fit, désorganisa l’armée ; sa cruelle avarice lui suggéra l’idée de faire passer les militaires d’un corps dans un autre, afin de les rapprocher de leur lieu natal, pour ne point s’occuper de leur subsistance, quoiqu’il exigeât d’eux un service très-assidu. Le soldat était privé de sa paye, de sa subsistance, et montrait partout sa nudité, tandis que le trésor public fournissait avec profusion, des sommes de vingt mille gourdes par an, à chacune de ses concubines, dont on en peut compter au moins une vingtaine, pour soutenir un luxe effréné qui faisait en même temps la honte du gouvernement et insultait à la misère publique.
L’empire des lois ne fut pas non plus respecté. Une constitution faite par ordre de l’empereur, uniquement pour satisfaire à ses vues, dictée par le caprice et l’ignorance, rédigée par ses secrétaires, et publiée au nom des généraux de l’armée qui n’ont non-seulement, jamais ni approuvé ni signé cet acte informe et ridicule, mais encore n’en eurent connaissance que lorsqu’elle fut rendue publique et promulguée. Les lois réglementaires formées sans plans et sans combinaisons, et toujours pour satisfaire plutôt à une passion que pour régler les intérêts des citoyens, furent toujours violées et foulées aux pieds par le monarque lui-même. Aucune loi protectrice ne garantissait le peuple contre la barbarie du souverain ; sa volonté suprême entraînait un citoyen au supplice, sans que ses amis et ses parens en pussent connaître les causes. Aucun frein, enfin, n’arrêtait la férocité de ce tigre altéré du sang de ses semblables ; aucune représentation ne pouvait rien sur ce cœur barbare, pas même les sollicitations de sa vertueuse épouse dont nous admirons tous les rares qualités.
Les ministres dont la constitution (si cet acte peut être qualifié de ce nom) avait déterminé les fonctions, ne purent jamais les exercer pour le bonheur du peuple ; leurs plans et leurs représentations furent toujours ridiculisés et rejetés avec mépris ; leur zèle pour le bien public en général, et pour celui de l’armée en particulier, fut par conséquent paralysé.
La culture, cette première branche de la fortune publique et particulière, n’était point encouragée, et les ordres du chef ne tendaient qu’à faire mutiler les pauvres cultivateurs. Était-il sage, enfin, d’arracher à la culture des bras qui la fructifiaient, pour grossir sans besoin le nombre des troupes, qu’on ne voulait ni payer, ni nourrir ni vêtir, lorsque déjà l’armée était sur un pied respectable ?
Tant de crimes, tant de forfaits, tant de vexations ne pouvaient rester plus longtemps impunis : le peuple et l’armée, lassés du joug odieux qu’on leur imposait, rappelant leur courage et leur énergie, viennent enfin, par un mouvement spontané, de le briser. Oui, nous avons rompu nos fers !… Soldats, vous serez payés, habillés. Propriétaires, vous serez maintenus dans la possession de vos biens. Une constitution sage va bientôt fixer les droits et les devoirs de tous.
En attendant le moment où il sera possible de l’établir, nous déclarons que l’union, la fraternité et la bonne amitié étant la base de notre réunion, nous ne déposerons les armes qu’après avoir abattu l’arbre de notre servitude et de notre avilissement, et placé à la tête du gouvernement un homme dont nous admirons depuis longtemps le courage et les vertus, et qui, comme nous, était l’objet des humiliations du Tyran. Le peuple et l’armée dont nous sommes les organes, proclament le général Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement haïtien, en attendant que la constitution, en lui conférant définitivement ce titre auguste, en ait désigné la qualification.
Donné en conseil, à notre quartier-général du Port-au-Prince, le 16 octobre 1806, an 3e de l’Indépendance, et de la vraie Liberté, le 1er.
(Suivent les signatures de Gérin, Pétion, Yayou, Vaval, Bonnet, Marion, Véret, Francisque, Lamarre, Sanglaou, et celles des autres officiers supérieurs, des principaux fonctionnaires de l’ordre civil, etc.)".
Pour études complémentaires, PROFILE AYITI vous recommande la description suivante: https://profileayiti.blogspot.com/2019/10/lettrre-de-petion-madame-dessalines.html
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M. Charles Philippe BERNOVILLE
Président et directeur des recherches.