Labadee est une presqu'île qui constitue l'une des plus belles stations balnéaires de la Caraïbe se trouvant à Bande-du-Nord, section communale du Cap-Haïtien dont elle dépend administrativement.
Aménagé et géré par la Royal Caribbean International, le site de Labadee comprend de nombreuses plages modernes hautement sécurisées avec des attractions qui incluent un marché aux puces, des sports nautiques, un terrain de jeu et une tyrolienne pour plus d'un demi million de touristes par année.
L'histoire révèle que Labadie tire son nom d'un ancien colon français, Marquis De La Badie, propriétaire de plusieurs habitations qui se trouvaient exactement à ces endroits au 18ème siècle.
Cependant, lorsque l'État Haïtien a autorisé la Royal Caribbean International à exploiter le site, l'orthographe du nom des lieux a été modifié, et "Labadie" est devenue "Labadee" pour ne pas effrayer les touristes anglophones avec la terminaison "die" qui signifie "mourir". Une décision qui a été contestée par les Haïtiens.
En effet, après la proclamation de l'indépendance, le 01 janvier 1804, l'idée d'un retour éventuel des colons français est telle que les Haïtiens du Nord préfèrent habiter plus à l'intérieur des terres que sur les côtes ou sur les littoraux. Pourquoi? Parce que, pense-t-on, si les colons doivent retourner pour rétablir l'esclavage ou rétablir Saint-Domingue, ils débarqueront au Nord et par la mer. Cette mentalité a changé depuis la construction de la Citadelle dont l'objectif est la défense du territoire contre une éventuelle attaque étrangère.
Mais, pourquoi les Haïtiens se plaignent de ne pas toujours avoir accès aux plages de Labadee, leur paradis?
En 1985, l'État haïtien trouve un accord avec la Royal Caribbean International pour exploiter le site de Labadee à des fins touristiques. Un an plus tard, soit en 1986, Labadee devient la plus grande source de revenus touristiques de l'État haïtien et l'une des plus importantes destinations caraïbéennes. Mais, il y a un inconvénient: les administrateurs font en sorte que les touristes ne sachent pas qu'ils sont en Haïti quand ils arrivent à Labadee. Une autre décision contestée par les Haïtiens, mais qui a quand même duré jusqu'aux années 1990.
En février 2008, le ministre haïtien du tourisme, Patrick Delatour, signe un accord de 300 000 dollars américains pour la protection des bassins versants conduisant à la baie de Labadee et, pendant la même période, Royal Caribbean International investit 50 millions de dollars américains sur deux ans dont 25 millions pour la construction d'un quai qui permettrait à Labadee de recevoir "The Genesis of the Seas" ou "Oasis of the Seas" en 2009. Ces bateaux de croisière transportent chacun 6 à 7 000 passagers.
Les habitants du village de Labadee seront négligés dans le programme d'expansion de la station par la compagnie ni ne bénéficieront d'aucun projet social. En conséquence, il y aura des mouvements de protestation contre la Société de Labadee Nord (SOLANO) qui pertuberont à maintes reprises des dizaines de milliers de touristes étrangers.
En revanche, en 2009, la Royal Caribbean International fournit 250 emplois locaux réguliers et permet à 300 autres personnes de vendre leurs produits aux touristes. Il est aussi révélé que la RCI payait 6 dollars américains par touriste à l'État haïtien qui devraient être répartis comme suit: 2 dollars pour le Conseil d'Administration de la Section Communale de Bande-du-Nord, 2 dollars pour la Mairie du Cap-Haïtien et 2 dollars pour le Trésor public. Si cette répartition était respectée, Bande-du-Nord serait la section communale la plus riche et Cap-Haïtien, la ville la plus riche d'Haïti.
Dans les périodes électorales, les candidats à la députation, au Sénat et à la présidence, promettent toujours de faire respecter cette répartition financière, d'où l'expression "faire retourner l'argent de Labadee" dans le discours politique capois. Mais une fois élus, les parlementaires et les présidents ont une manière suspecte de s'entendre sur cet argent, tandis que la population du Nord continue de vivre dans la misère.
Nous savons que le contrat d’exploitation du site de Labadee arrivera à terme en 2026, mais la Royal Caribbean International travaille déjà sur une proposition de renouvellement du contrat qui pourrait s’étendre jusqu'en 2050.
Président et directeur des recherches.