J’ai des préoccupation liées aux comportements des politiques haïtiens qui, généralement, passent leur temps dans des manœuvres dilatoires sans fin tandis que les citoyens se plaignent de la mauvaise gouvernance. Mais combien faudrait-il de temps pour bien gouverner un pays qui a connu 300 ans de colonisation et d'esclavage?
Bien sûre, les conditions idéales d'une bonne gouvernance en Haïti sont difficiles. La pollution du milieu politique, le niveau précaire des parlementaires, la corruption, la drogue et la contrebande dans l'État, sont autant de facteurs qui nous empêchent d'avancer. Mais certaines stratégies semblent permettre aux politiciens de se conforter pour ne pas affronter ces problèmes critiques.
C'est notamment le partage des responsabilités, la collaboration dans le mal entre les décideurs et acteurs politiques et économiques qui handicapent tout processus de bonne gouvernance dans le pays. Je crois que les acteurs doivent apprendre à cerner le temps dont ils disposent et poser le maximum d’actions possibles. Avoir une vision claire de la réalité, se fixer des objectifs à la limite de leur mandat en terme de temps et de contenu pour avancer, est essentiel.
On peut associer également la mauvaise gouvernance au fait que les leaders ont une très mauvaise notion du temps constitutionnel tel que prévu par le texte officiel de 1987. Le temps constitutionnel imparti à un gouvernement depuis 1987 est à chaque fois très mal cerné et génère des situations de crise politique gratuitement. Voilà pourquoi les opposants politiques et le peuple militant demandent régulièrement, par exemple, aux présidents de quitter leur poste. C'est dangereux dans une démocratie!
Lorsque le temps prévu par le texte officiel de 1987 est estimé ttrop court ou trop long dans la perception, c'est littéralement dangereux. Si on vous donne un travail à faire, et que vous vous rendez compte que le temps imparti est trop court, vous avez deux possibilités: ou bien vous travaillez vite, donc mal, sous prétexte de rester dans le calendrier établi; ou bien vous réglez vos affaires personnelles sachant que vous avez peu de temps.
Lorsque le temps imparti au contraire vous paraît long, vous pouvez en faire également mauvais usage. Dans le milieu haïtien l'expression "on aura le temps" est courante. L'idéal serait de rééduquer le leader haïtien sur la notion du temps constitutionnel avant même de lui donner des responsabilités au plus haut sommet de l'État. Cela nous épargnerait bien des problèmes.
Les références historiques montrent qu'Haïti a connu des Chefs d'État qui se sont proclamés à vie. Jean Jacques Dessalines, François Duvalier, Jean Claude Duvalier, pour ne citer que ceux-là. Cette tendance à rester au pouvoir à vie est liée non seulement à leur conception du pouvoir, mais aussi à leur compréhension du temps ou d’un mandat limité dans le temps. Pour eux, le temps imparti au mandat qu’on leur attribue est court par nature, et ce, même s'ils ne vont rien régler.
M. Charles Philippe BERNOVILLE
Président de PROFILE AYITI.