Pour avoir été colonie française durant plusieurs siècles, Haïti doit une partie de sa culture à la France même lorsque les Haïtiens se réclament de plus en plus d'origines africaines.
Parlé par presque 20 millions de personnes dans le monde, le créole haïtien a une base lexicale à la fois espagnole, française, mais aussi anglaise. Une bonne partie des mots utilisés par les Haïtiens sont également un héritage des Taïnos, les premiers habitants d'Hayti.
En effet, dans le parler d'un peuple, certaines expressions sont plus utilisées et donc plus populaires que d'autres surtout lorsque des artistes et des leaders politiques se servent de ces mots pour construire des slogans qui facilitent leur communication avec la foule.
Dans le cas d'Haïti, "Sanzave" ferait partie des expressions les plus prononcées ou utilisées par les jeunes Haïtiens depuis un certain temps et le mot aurait plusieurs significations selon le ton dans lequel il est prononcé.
Par exemple, on sait qu'un rappeur haïtien vivant aux États-Unis d'Amérique, Haitian Fresh, utilise fréquemment le mot depuis la sortie d'une composition titrée Sanzave et dont la vidéo est regardée plus de 500 000 fois sur internet en trois ans. Il y a même un slogan très populaire "Sanzave toutan" qui est régulièrement repris par les jeunes et fans du hip-hop dans les médias sociaux.
Mais, peu importe le ton qu'on y applique, pour les Haïtiens, le mot Sanzave désigne un vagabond, un homme sans parole dont les activités sont malsaines, dont les revenus sont ignobles et inavouables; un homme sans foi ni loi. Et l'utilisation du mot dans d'autres cultures va dans le même sens ou presque.
Dans la culture française, "Sans aveu" est une locution adjectivale formée de "sans et aveu". Au moyen-âge, l'expression signifie celui n’ayant point été reconnu pour vassal par un seigneur et ne pouvait réclamer sa protection.
Historiquement, le vassal est, sous le système féodal, un homme lié personnellement à un seigneur, un suzerain qui lui concédait la possession effective d'un fief. Il devient "sans aveu" quand il n'est plus reconnu pour vassal et qu'il ne pouvait réclamer la protection d'un seigneur.
Dans sa forme viéillie, "Sans aveu" signifie celui que personne ne veut reconnaître, homme qui n’a ni feu ni lieu. Dans "Le comte de Moret", Alexandre Dumas a écrit: "on ramassa tout ce qu'il y avait de misérables et de gens sans aveu pour en faire des ensevelisseurs".
M. Charles Philippe BERNOVILLE
Fondateur et directeur des recherches.
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