Le 18 novembre 1803, les insurgés haïtiens ont infligé une cuisante défaite aux troupes de Napoléon commandées par le général Rochambeau lors de la dernière bataille qui s’est déroulée à Vertières dans le Nord du pays communément appelée : Bataille de Vertières. À la suite de cette défaite, les troupes françaises se sont rendues l’une après l’autre, permettant à l’ex-colonie française (Haïti) de proclamer et de célébrer son indépendance le 1er janvier 1804. Ainsi, Haïti est devenu la première république noire à proclamer son indépendance. Quelle bravoure ! Quelle fierté ! Quel exploit !
Cependant, deux cent dix-sept ans après, Haïti demeure l’un des pays les plus pauvres et les plus démunis du monde (OBS monde, 13 janvier 2010). La grande question que l’on pourrait se poser et que l’on se pose : Pourquoi Haïti se trouve-t-il dans une pauvreté persistante ? Pourquoi Haïti se trouve-t-il comme un pays toujours en crise, un pays qui patauge dans la misère et non comme un pays avec un passé glorieux ? Voulant répondre à ces questions, j’ai titré cet article : Haïti : Le pauvre dividende entre les mains des diviseurs.
En général, toute division fait apparaitre trois nombres : Le nombre qui est divisé appelé : dividende ; le nombre qui divise appelé diviseur et le résultat de la division appelé quotient. Dans le cadre de ce sujet, je vais me concentrer seulement sur le dividende qui est Haïti et les diviseurs.
Le dividende : Haïti
Haïti est le dividende c’est-à-dire le nombre qui est divisé en vue de satisfaire aux besoins de tous ses enfants. Cette division ne devrait pas être un partage où chacun prend sa part et s’en va, mais une division où chacun devrait voir l’intérêt du dividende, l’intérêt d’Haïti. Une division dans l’unité avec l’objectif de permettre au dividende qui est Haïti de retrouver sa place parmi les grandes nations du monde. Une division qui doit se faire en tenant compte de son inverse qui est la multiplication. Cette division multiplicatrice doit provoquer un effet multiplicateur permettant au dividende de devenir plus important et de pouvoir subvenir au besoin de son peuple. Cependant, pour y arriver ce n’est pas un changement d’hommes dont le pays a besoin, mais un changement de mentalité, un changement de regard sur soi-même en tant que fils et fille du pays, un changement sur l’implication de chacun et de chacune dans le développement du pays. Il revient au peuple haïtien de prendre conscience de cette situation et de s’impliquer pour faire avancer le pays. En effet, selon le journal JDN (janvier 2021), Haïti, avec un PIB (produit intérieur brut) par tête de 697 dollars en 2021, occupe la 15e place du classement des nations les plus pauvres du monde. Le produit intérieur brut haïtien, qui est valeur de tous les biens et les services produits dans le pays en une année, y compris ceux produits par les entreprises étrangères installées dans le pays (si entreprises étrangères il y en a), s’élève désormais à 8,1 milliards de dollars américains. Cependant, la République dominicaine qui partage l’île avec la République d’Haïti a un PIB de 81,78 milliards de dollars américains. D’après la Banque mondiale, 58,5 % de la population haïtienne vivait sous le seuil de pauvreté en 2012. La situation du dividende est alarmante, la situation est déchirante. La question est celle-ci : À qui incombe la responsabilité de cette situation ? Voyons dans les lignes suivantes le rôle qu’ont joué les diviseurs.
Le diviseur
À bien analyser la société haïtienne, je peux dire que le diviseur est composé d’une pluralité de groupes. C’est pourquoi au lieu de parler de diviseur disons mieux : les diviseurs et je vais seulement nommer quelques-uns d’entre eux :
● Les partis politiques. En mai 2013, le journal le Nouvelliste a publié une liste de 121 partis politiques reconnus par le ministère de la Justice. De plus, le professeur Franklin Midy (mai 2013) en a listé 144 enregistrés et dont 41 possèdent un nom en créole. D’après professeur Midy, la majorité de ces partis sont au service d’une famille ou d’un leader unique et d’autres travaillent comme des sociétés anonymes privées. En regardant la prolifération des partis politiques en Haïti, on peut affirmer que la majorité des politiciens haïtiens considèrent Haïti comme un gâteau où chacun voudrait avoir un morceau. Ce qui est triste, ils sont prêts à vendre leur âme et conscience pour y arriver. Ce qui est encore triste, avec un pays où le taux d’alphabétisation qui est très faible (64,3 %) accompagné d’un taux de chômage qui est très élevé (60 à 70 %), ces diviseurs politiques ont pu trouver des gens ou des partisans qui sont avec eux.
La grande majorité de ces partis politiques ne s’intéressent pas aux élections, car, ils savent bien que même leur épouse ou leurs enfants ne vont pas les voter. Le principal objectif de ces partis politiques c’est de déstabiliser le pays en se mettant avec certains bourgeois corrompus. Avec quelques dollars ou quelques gourdes en main, ils peuvent manipuler ou acheter certaines personnes de la classe pauvre pour bloquer le pays, empêchant ainsi les gens de vaquer à leurs activités. Étant donné qu’ils sont des hommes qui ne cherchent que leurs intérêts personnels alors, ils utilisent la politique : diviser pour régner.
● La bourgeoisie haïtienne : Il y a des personnes, en regardant certaines images venant d’Haïti, pensent qu’il n’y a que des pauvres dans le pays. C’est une grande erreur.Il y a une grande bourgeoisie en Haïti. Cependant, en regardant le pays, on peut affirmer que les inégalités sociales sont plus criantes en Haïti que dans d’autres pays. Pourquoi ? La raison est simple. Cette bourgeoisie qui représente le noyau économique du pays avec toutes les franchises douanières n’a rien fait au niveau de la création d’emplois. C’est une bourgeoisie pourrie et corrompue qui veut tout gagner, tout monopoliser, mais sans rien donner ou céder. Cette bourgeoisie participe dans tous les aspects politiques du pays, dans toutes les grandes décisions. Elle est toujours gagnante et non perdante. Dans le cas où la donne change, cette bourgeoisie est prête à investir des millions de dollars pour renverser un président en organisant des manifestations. Haïti est aujourd’hui meurtri par la corruption de cette bourgeoisie sans aucun système d’eau potable, d’hôpitaux, de bonnes universités et d’emplois. Haïti, le dividende est un pays où nos jeunes n’ont aucun avenir et sont animés d’un seul désir : quitter le pays.
● Les gangs. Il faut dire qu’Haïti est devenu une république dirigée par des gangs. Dans toutes les grandes villes du pays, on trouve trois à cinq gangs rivaux ayant à la tête de chacun un chef appelé commandant. Ainsi, chacun essaie de prendre le contrôle de la ville ou de la localité aux yeux des autorités établies. Les gangs, peu importe la localité, sont beaucoup plus armés que la police chargée de donner de la sécurité à la population. Voilà pourquoi, il y a des zones qui sont déclarées zones de non-droit, car les policiers ne peuvent y accéder. La majorité des gangs se trouvent dans les zones les plus pauvres, les plus défavorisées. Alors, on se pose la question : d’où viennent les armes qu’ils possèdent ? Ces gangs reçoivent les armes qu’ils utilisent des diviseurs qui n’ont d’autres objectifs que diviser pour régner. C’est triste d’apprendre que parmi ces diviseurs, il y en a qui font partie du gouvernement, d’autres de la bourgeoisie et d’autres encore de la classe politique. Avec les armes reçues, ces gangs sont au service de ces diviseurs et les utilisent pour faire le kidnapping et semer ainsi l’insécurité dans le pays. Étant donné que les gens qui font partie des gangs sont manipulables et vulnérables, ils ne se rendent pas compte qu’ils font de grands torts au pays. Les Haïtiens vivent dans un climat de peur et ne savent à quel saint se vouer pour trouver une solution au climat d’insécurité, de kidnapping, de chômage et de famine qui règnent dans le pays. Ainsi, un jeune haïtien a écrit le 24 janvier 2020 sur Twitter : « J’hésite entre acheter un cercueil ou un visa ». « Je ne vois aucun espoir : voir le soleil se lever est un rêve et lorsqu’il se lève, le voir se coucher est un exploit. » (Extrait de l’article : Haïti, la République de gangs par Nancy Roc, 1er février 2020).
Les gens qui font partie des gangs, sans s’en rendre compte, empêchent des investisseurs haïtiens comme étrangers de venir investir dans le pays. Ils ont peur pour leur vie et pour leur investissement. Les grands diviseurs en costume qui manipulent ces gangs ont leur famille qui vit aux États-Unis ou au Canada, etc. Quand ils sont malades, ils prennent l’avion pour venir voir leur médecin parce qu’ils ont le monopole de l’argent.
● Le secteur religieux : Je ne veux pas conclure cette section de diviseur sans citer le secteur religieux. Haïti est un pays très religieux. Cependant, dans les situations les plus difficiles les responsables religieux ne sont pas toujours au rendez-vous. Chaque secteur religieux ne fait que défendre ses propres intérêts et non les intérêts de la collectivité. Les leaders religieux rencontrent leurs fidèles au moins une fois par semaine. Ce secteur est très puissant et devrait avoir la capacité de pouvoir réunir la nation haïtienne. Cependant, le secteur religieux ne s’intéresse pas à cette partie très importante, mais s’intéresse plutôt à sauvegarder leurs franchises douanières.
La situation chaotique du dividende : Haïti
Selon les statistiques de 2019, Haïti a une population de 11 591 279 habitants. Il faut dire que selon l’ONU, la moitié de cette population vit en dessous du seuil de pauvreté (avec 2,41 $ par jour), tandis qu’un quart vit dans l’extrême pauvreté (avec moins de 1,23 $ par jour). Dans un récent rapport, cette organisation estime que le nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire en Haïti entre mars et juin 2019 est d’environ 2,6 millions, dont 2 millions en situation de crise et 571 000 en situation d’urgence. Les jeunes qui grandissent dans ce pays n’ont aucun espoir et ils ne voient pas quand la situation du pays va changer.
Je voudrais conclure ma réflexion en citant ce passage biblique de Philippiens 2 :4 « Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres ». Ainsi, le jour où les diviseurs arrivent à faire passer les intérêts du dividende avant leurs intérêts mesquins, Haïti redeviendra la perle des Antilles.
Haïti : Le pauvre dividende entre les mains des diviseurs.
Quelles sont les solutions aux problèmes d’Haïti ? Quand est-ce que le pays va pouvoir sortir de ce cercle vicieux de misère et de pauvreté ?
Dans le prochain texte, nous essaierons d’apporter quelques pistes de solution.
Renel CLESS, Pasteur et Enseignant Agréé de l'Ontario (EAO) B.TH, B.ÉD, M.ÉD
Bibliographie
1) https://plus.lapresse.ca/screens/9f31e4e5-c21a-4382-8978-6b16c75a84da_ _7C___0.html
2) https://www.nouvelobs.com/monde/seisme-en-haiti/20100113.OBS3467/h aiti-le-pays-le-plus-pauvre-des-ameriques.html#:~:text=Situ%C3%A9%20 sur%20le%20continent%20am%C3%A9ricain,les
3) https://www.haiti-reference.com/pages/plan/politique/organisations-politi ques/partis-politiques/
4) Banque interaméricaine de développement, “Haïti : Proposition de prêt pour le financement d’un programme de développement local”, consulté en ligne à l’adresse suivante : www.iadb.org/exr/ENGLISH/PROJECTS/ha1491e.pdf, le 6 janvier 2004.
5) CarlHaub,Fichededonnéessurlapopulationmondiale2003(Washington, DC : Population Reference Bureau, 2003).