En août 1848, dans les colonies françaises, 170 000 esclaves dont 87 752 Guadeloupéens sur une population de 129 109 habitants, deviennent affranchis et sont en train de recevoir arbitrairement des noms injurieux ou dégradants en échange de leur liberté. L'opération devait durer 3 mois, mais elle dure 14 ans. Elle se termine en décembre 1862.
Certains affranchis viennent avec un nom écrit par leur ancien maître sur un papier. D'autres, non. C'est l'officier de l'État civil lui-même qui doit trouver un nom. Il n’a pas le droit d’utiliser des patronymes en usage en France métropolitaine. Il se sert des noms bibliques, géographiques, topographiques, des noms de métiers, des noms d’objets de la vie quotidienne etc.
Parfois, énervé, l'officier d'État civil nomme l'affranchi qui est incapable de répondre aux questions "Pas-Savoir". Celui-ci portera ce nom toute sa vie. C'est le mépris total envers les anciens esclaves, un dernier abus de pouvoir. Forcés d'enregistrer ces noms de famille auprès de l'État civil, les descendants de ces anciens esclaves portent encore ces noms aujourd'hui dans les Antilles notamment en Guyane et en Guadeloupe comme un fardeau.
De 1916 à 1990, 4 716 personnes ont reçu ces noms injurieux sans compter leurs parents ni leurs descendants. Aujourd'hui encore, 10 % de la population de Guyane portent les noms suivants: Poisson, Tortue, Bœuf, Crétinoir, Trou-à-Bal, Pas-Beau, Vulgaire, Macabre, Gros-Désir, Zonzon, Caracasse, Satan, Zéro, Mal-Cousu, Pancarte, Bête-à-Cornes, Coucoune, Bon-à-Rien etc.
Nous devons rappeler que durant toute la période de l’esclavage en Amérique, dans les Antilles ou en Afrique, les Noirs seront considérés par le code noir comme inhumains, comme des biens, des meubles ou des objets. Ils ne seront pratiquement pas traités ni ne seront légalement reconnus comme membres de la communauté des humains. Ils ne seront pas éduqués. Leur culture négro-africaine sera censurée et diabolisée.
Bref, les séquelles de l'esclavage sont donc nombreuses et ont des conséquences désastreuses sur la vie sociale, économique et politique des peuples qui ont été colonisés par les puissances esclavagistes dont la France, l'Angleterre, le Portugal, la Belgique, l'Espagne pour ne citer que celles-là.
Pour études complémentaires, PROFILE AYITI vous propose "La Blessure du nom, une anthropologie d’une séquelle de l’esclavage aux Antilles-Guyane, Philippe Chanson, Ed. Academia-Bruylant, collection Anthropologie prospective, Louvain-la-Neuve, 2008".
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M. Charles Philippe BERNOVILLE
Président et directeur des recherches.
